Les photographes
Lionel Bayol-Thémines
Avec le projet After Nadar, premier photographe à avoir réalisé des prises de vues aériennes en ballon, qui ont ouvert à un autre point de vue la représentation du paysage et de la cartographie, je souhaite rendre compte – d’un point de vue aérien – de la représentation d’un territoire et de l’évolution du rapport Homme/Nature. J’utilise les outils de mon temps et confronte des images prises dans Google Earth à des images de surveillance et d’analyse de la terre (satellites Spot 1, Sentinel) produites par le laboratoire SERTIT1 Il s’agira d’explorer ces paysages recomposés par une IA, de documenter quelque chose de virtuel, d’interroger la diffusion des images et les programmes qui les génèrent et de les confronter à des images scientifiques. C’est une expérience sur la nature même du médium photographique et la matérialité de ces nouvelles images.
Lionel Bayol-Thémines élabore un univers visuel où coexistent de manière symbiotique deux mondes, ou plutôt deux espaces, l’un réel, l’autre virtuel. Il utilise pour cela les nouveaux outils de représentation du paysage tels que Google Earth, qui échappent au régime de la photographie traditionnelle. A travers ces pratiques, il questionne la diffusion des images et les programmes qui les génèrent. L’exploration de ce nouvel espace géographique donne lieu à la documentation de quelque chose de virtuel, de changeant, qui vaut pourtant comme « réalité ».
Olivia Gay
« Territoires vécus »
Quel regard porter sur le territoire aujourd’hui ?
Comment révéler le parcours de celles et ceux qui le façonnent, au quotidien,
à travers leur déplacements, leurs traversées ?
En tant que photographe engagée sur la représentation de la figure humaine, j’envisage de mener la Mission photographique Grand Est en allant à la rencontre de personnages féminins aux parcours contrastés symbolisant les différents modes de vie présents sur le territoire. Cette recherche s’inscrira dans des lieux emblématiques de l’histoire de la région tels que le pays du Sundgau, lieu de tradition situé en Sud-Alsace ; Strasbourg, siège du Parlement européen et du Conseil des droits de l’homme; Forbach, ville lorraine marquée par la désindustrialisation, ou encore Dampierre, village historique de Champagne-Ardenne situé en « zone blanche ».
Au final, ce corpus socio-iconique donnera à voir et à penser des expériences du territoire, des traversées, des aller comme des retours, allégories des parcours de vie.
Le croisement de ces trajectoires peut se comprendre comme autant de recherches d’une certaine réussite, laquelle se mesure à l’aune de nos attentes et de nos ambitions.
Car la réussite des uns n’est pas celle des autres.
Le point de vue frontal, caractéristique du travail d’Olivia Gay, interroge la notion de relation et d’échange entre le photographe et son sujet. Ses images révèlent des femmes inscrites dans un contexte sociétal qui tend à altérer la visibilité des personnes : ouvrières au savoir-faire rare, caissières de supermarché, femmes en difficulté hébergées par les services sociaux, prisonnières en maison d’arrêt ou religieuses dans leur couvent… Elle met en lumière de cette réalité par le réemploi des codes esthétiques de la représentation iconique, dans un contexte documentaire.
Ancône, lône de l’Homme d’Arme, digues et centrale nucléaire de Cruas, 2007
Bertrand Stofleth
À l’heure des nouveaux défis de développement liés à l’impact de l’homme sur son environnement et des changements climatiques en cours, je veux observer à travers ce prisme comment s’organisent et résistent les structures paysagères traditionnelles.
J’explorerai les territoires selon les différentes activités de domestication et d’exploitation qui le structurent : agriculture, foresterie, élevage, viticulture, mais aussi rivières et canaux, carrières, industrie, sidérurgie, énergie, loisirs, secteur tertiaire… Je saisirai ces paysages au moment de la prise de conscience de l’avènement de l’anthropocène, de cette bascule de la réflexion de l’homme conscient de son influence.
Ainsi au cours de cette année dans le Grand Est, je m’intéresserai à des lieux révélateurs de ces enjeux : initiatives spontanées, collectives comme isolées, résultant d’évolutions progressives ou d’urgences, et témoignant des changements à l’œuvre dans les pratiques et les usages de notre société. En particulier, je souhaite montrer la cohabitation des paysages de luttes avec des paysages résilients, ou encore avec des paysages qui témoignent des héritages du passé sans avoir déjà opéré leur mue.
Bertrand Stofleth s’intéresse aux modes d’habitation des territoires, aux usages et aux représentations du paysage. La photographie sert à faire émerger des failles de sens, des zones de frictions, des symptômes, des surfaces où peuvent se lire des conflits : conflits entre nature et culture, frottements entre différentes strates de temps, entre plusieurs conceptions du territoire ou du vivre-ensemble …
Ces images sont produites dans une dynamique d’arpentage d’un territoire donné, qui laisse aussi la place à ce que le réel peut aussi avoir d’inattendu ou d’incongru.
Eric Tabuchi
S’inscrivant dans la continuité de l’Atlas des Régions Naturelles, le travail qui sera le mien, une année durant, en reprend les grands principes.
De fait, celui-ci consistera à documenter les 45 régions naturelles – ces entités territoriales aux frontières souvent indécises qui précèdent la création des départements actuels – que compte le Grand-Est.
Pour chacune d’elle je compte réaliser 50 photographies représentatives des paysages et architectures qu’on y rencontre, ceci afin de montrer toute la diversité de ce nouveau territoire.
Au final, ce sera donc un ensemble de 2250 images, consultable sur Internet qui composera l’archive Grand Est. De cet ensemble, 45 images (une par région), seront extraites qui constitueront ma contribution à la Mission Photographique Grand-Est.
Après des études de sociologie où il découvre l’œuvre d’August Sanders, Eric Tabuchi commence son travail photographique. Celui-ci s’articule autour des notions de territoire, de mémoire et d’identité. Les typologies architecturales constituent le principal de son œuvre. L’un de ses plus importants projets à ce jour est Atlas of Forms, avec des milliers d’images répertoriées dans un livre et sur un site internet éponymes. En 2017, il commence l’Atlas des Régions Naturelles, projet qu’il entend mener ces prochaines années.
Beatrix von Conta
Le Grand Est : J’ai découvert un territoire veiné de bleu, avec un réseau aquatique, en surface et en souterrain, aux multiples connexions. Un pays aux sources inattendu, concentrant la naissance d’un nombre impressionnant des plus grandes rivières et fleuves de France. Mais le Grand Est est aussi une région dotée de stations thermales, ces constellations urbaines cristallisées autour de sources minérales invisibles. Cette richesse précieuse, pourtant, s’avère de plus en plus fragile dans le contexte d’un réchauffement climatique que plus personne n’ose remettre en question.
J’aborde sous deux approches différentes et complémentaires l’idée de l’eau visible et invisible et de ses manifestations au cœur du paysage. Le Grand Est, dans le miroir des sources : deux reflets différents dans le miroir tendu par l’eau.
Beatrix von Conta, née en Allemagne, vivant en France (Drôme 26), questionne depuis 25 ans sous des formes et approches différentes la fragilité du paysage contemporain dont elle relève ou révèle, sans nostalgie, les signes infimes ou marquants d’une mutation en cours. Loin de la recherche du spectaculaire, la photographe poursuit une démarche distanciée mais sensible qui, ni accusatrice, ni carte postale, invite le spectateur à s’interroger sur l’infinie fragilité d’un territoire et de ses paysages.
Elle est représentée par la galerie Le Réverbère, Lyon, depuis 1992.
Région Grand-Est
www.grandest.fr
La Chambre
www.la-chambre.org
Le Cri des lumières
www.crideslumieres.org